Article de Michel SIDER. Président de l'IDSG.
Il est nécessaire de rappeler que les établissements d'hébergement pour retraités et personnes âgées, qualifiés de l'appellation "Maison de retraite" (maintenant d’EHPAD) sont avant tout des lieux de vie “ où les Intéressé(e) s se retirent dans l'acceptation ou la résignation ”, tant bien que mal, sans véritable choix, et pour un certain nombre de raisons. Mais généralement trop souvent tardivement, et sans préparation. Il en résulte que l'ouverture sur l'extérieur, préconisée par les observateurs attentifs au fonctionnement de ce type d'établissement, ne va pas forcément de soi.
Au-delà des aspects humains, il est tout aussi important de rappeler qu'un EHPAD vit avec un environnement, politique, économique, social et culturel dont les aspects interdépendants s'influencent mutuellement.
Tout naturellement, c'est dans ces aspects que se trouvent les principaux obstacles à l'ouverture sur l'extérieur ! D'ailleurs, les motivations qui conduisent les promoteurs de toutes sortes à créer un établissement portent déjà en elles les conditions de la réussite de cette ouverture. En les examinant de près, on dénombre bien des obstacles : la taille, la structure architecturale, le statut juridique de l'entité gestionnaire, le contenu du projet d’établissement, l'implantation géographique, les services de proximité, la compétence et les qualités humaines des membres du Conseil d'Administration, la compétence, le nombre et les qualités humaines de la direction, des membres du personnel de l'établissement, le coût des prestations, la politique d'admission, l'équilibre entre Résidents valides et dépendants, le voisinage, la possibilité matérielle de recevoir des invités, le budget animation, le renom de la Maison, le projet de vie et de soins de l'établissement, etc. , qui sont autant d'éléments qui favorisent ou non cette fameuse ouverture sur l'extérieur tant souhaitée...
Après cet éclairage, il semble indispensable de se poser certaines questions. D’abord, pourquoi réaliser une ouverture sur l'extérieur des Maisons de retraite ? Quel est son intérêt et son utilité ? Est-elle indispensable dans tous les cas ? Comment évaluer son efficacité ? Quels sont les risques, et pour qui ? Dans la réalité, qui est véritablement demandeur ? S'agit-il de se donner bonne conscience, satisfaire la curiosité de tout un chacun en montrant les locaux et les services rendus « ou non-rendus » ? S'agit-il enfin de montrer les Résidents avec les problèmes de leur vieillesse ? Ce qui dans ce cas est inacceptable sans leur accord et celui de leur famille dans certaines situations. Autant de questions qui expliquent les difficultés et certaines réticences. Mais faut-il pour autant se résigner à éviter tout contact avec l'extérieur et faire vivre une communauté de personnes âgées en autarcie ?
Dans les faits, les professionnels savent bien que ce lien avec l'extérieur est permanent par toute une série de situations comme les entrées et sorties du personnel, la venue des médecins, et plus subtilement la présence régulière des familles, des bénévoles et le passage d'intervenants de toutes sortes dans l'établissement.
Le problème de l'ouverture sur l'extérieur se pose certainement à un autre niveau : celui de la nécessaire relation qui touche directement aux relations humaines et dont le meilleur support est le contact et la solidarité entre les générations. Tous les professionnels en sont convaincus et leur sentiment est de toute manière orienté vers ce besoin qui fait que dans tous les cas l'ouverture est utile si elle est bien maîtrisée. Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner les avantages que l'on peut en tirer.:
Sachant à quel point le placement en institution est associé à une notion d'échec, l'ouverture d’un EHPAD est une opération de sensibilisation utile socialement lorsqu'elle est axée sur les personnes concernées par le maintien à domicile. Il est utile de signifier qu'un tel acte n'est qu'un moyen d'avoir une vie plus satisfaisante quand l'état de santé ou d'autres raisons incitent les retraités et les personnes âgées à quitter leur domicile. C'est aussi, privilégier par cette action un système de communication pour bien informer les Intéressés sur l'importance et la qualité des services rendus.
C'est un moyen pour que les gens puissent voir ce qui se passe plutôt que d'imaginer n'importe quoi et combattre ainsi les stéréotypes trop souvent véhiculés par les médias.
C'est lutter contre l'idée que l'entrée en collectivité est toujours fondée sur une motivation négative. C’est lutter contre la démission chez la personne âgée de rester en rapport avec le monde extérieur, quand elle ne sort plus et reste repliée sur elle-même. C’est lutter contre le processus d'irréversibilité, naturelle cependant au stade du long séjour, qui signifie un constat d'échec aux yeux des Résidents, des familles et même quelques fois du corps médical. Il s'agit donc bien d'un combat à mener dans la vie et pour la vie et que rien n'est simple dans ce domaine.
Quand l'utopie d'un Directeur est de vouloir recréer un environnement normal dans son établissement et de maintenir, bon gré mal gré, des liens avec l'extérieur, n'a pas cédé devant le découragement, alors cette lutte prend la signification d'un combat sans cesse renouvelé devant le manque de moyens, le manque de temps, et pire trop souvent, l'incompréhension ou “ l'indifférence de ceux qui à l'extérieur pourraient faire quelque chose et ne font rien ”. Cet engagement ne prend-t-il pas tout son sens, principalement quand les personnes âgées n'ont plus de véritables liens et attendent que leur maison de retraite pallie leur vide affectif ou relationnel ?
L'ouverture délicate sur la vie locale, toujours très difficile à réaliser, est donc le moyen par excellence de créer pour les retraités et les personnes âgées qui vivent en établissement de nouveaux réseaux affectifs dont l'utilité dans la prévention, le soutien moral et physique n'est plus à démontrer.
Avec l'accord et la participation des principaux intéressés (Résidents et familles), placés à l'honneur dans les instances du Conseil de Vie Sociale par la volonté du législateur, les institutions d’hébergement pour personnes âgées peuvent apporter grâce à leur ouverture autant, sinon plus, qu'elles reçoivent en montrant d'une manière positive le grand vieillissement et une meilleure image des institutions.
Bibliographie : “ Des lieux de vie pour mourir ”. CLEIRPPA
© IRDAGE 2007
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