La maltraitance est elle un accident ?
Article de R Moulias (1) , S Moulias (2)
La maltraitance n’est pas un accident isolé. Elle découle de facteurs de risques sur lesquels il est possible d’agir. Comme dans toute théorie des catastrophes, si le risque zéro n’existe pas, il est possible d’agir efficacement sur ces six « piliers » de la maltraitance, ou sur presque tous.
1 ) LA FAIBLESSE DE LA VICTIME
Accuser la faiblesse ne veut pas dire que la victime soit responsable de sa maltraitance ! Mais c’est son état de faiblesse qui va la placer sous l’emprise d’autrui, personne ou structure. Il est dommage que le mot anglais « frailty » (de « frail », venant du français « frèle ») ait été traduit à tort par « fragilité » alors qu’il signifie « faiblesse ». En traduisant mot à mot, le terme médical et social aurait rejoint le terme juridique « état de faiblesse ». Cette faiblesse concerne le risque de manipulation et d’emprise psychologique et pas seulement le risque médical de maladie ou de déficience.
Dès qu’une personne a besoin d’une assistance humaine pour remplir une activité de sa vie quotidienne, elle se trouve sous l’emprise de cette personne. Seules la conscience des besoins et sa connaissance des bonnes réponses permettront à cet aidant le geste utile. L’aidant familial malgré sa bonne volonté et son affection ne peut pas connaître la bonne réponse de façon innée. Tout professionnel de l’aide et du soin doit être préparé à cette nouvelle responsabilité spécifique. A l’inverse une personne malveillante consciente de cette faiblesse peut être tentée d’en profiter pour satisfaire sa cupidité, son goût du pouvoir ou toute autre perversion.. L’occasion a toujours fait le larron.
Vieillards ou handicapés en situation de dépendance fonctionnelle nécessitant une assistance humaine, pire personnes subissant une limitation des capacités décisionnelles (déficits cognitifs progressifs du vieillard, handicap mental ou psychique) sont les plus faibles : les plus exposés aux abus, violences et négligences.
S’il persistera toujours des risques de négligences et des maltraitances par abus de faiblesse, mais des actions efficaces sont possibles :
- réduire la survenue des états de dépendance évitables. Sont évitables les soins inappropriés (hospitaliers ou autres) qui aboutissent à des « dépendances nosocomiales » : immobilisations intempestives, abus de sédatifs, retards ou refus thérapeutiques basés sur l’âge ou l’âgisme, sorties de l’hôpital non préparées, etc ...
- préparer les personnels non seulement à leurs tâches techniques, mais à la responsabilité que représentent l’accompagnement et l’assistance d’une personne qui ne peut vivre sans leur aide. C’est de plus les valoriser. Ces personnes ne peuvent vivre sans eux.
- Placer sous protection juridique chaque fois qu’utile, est un moyen puissant pour éviter certains dangers financiers et patrimoniaux, mais entraîne un risque élevé de désinsertion sociale et d’exposition à d’autres formes de négligences.
- Demander conseil aux centres associatifs d’écoute et utiliser les actions de sensibilisation à la bientraitance qu’ils mènent auprès des professionnels et des aidants familiaux. Ce peut être un efficace outil de correction des comportements individuels ou collectifs en face d’une personne « en état de faiblesse ».
2 ) L’INCONSCIENCE DES BESOINS ET DE L’HUMANITE DE LA PERSONNE
Si la dépendance de l’assistance d’autrui n’est pas reconnue par l’entourage, les professionnels, les décideurs, la société, les besoins de cette personne seront négligés. Cette inconscience peut concerner tous les niveaux : l’hôpital qui voit dans tout vieillard un « bed blocker », l’EHPAD ou la commission tripartite chargée de définir ses besoins, qui voient dans les résidents des « personnes –z –agées » à héberger alors qu’il s’agit de personnes malades, déficitaires et incurables (par ailleurs âgées) à accueillir, assister, soigner, accompagner et assurer le bien être jusqu’à leur mort. Mission bien difficile quand on n’est pas conscient qu’il ne s’agit pas d’une question d’âge mais de besoin d’assistance pour pouvoir vivre.
Le domaine médico –social n’est pas seul concerné. Par exemple la banque ou la caisse de retraite qui ignorent la faiblesse de la personne laisseront sa pension détournée par négligence.
A des stades plus avancés, si la personne assistée a des difficultés d’expression verbale ou de capacités décisionnelles, c’est la conscience de son humanité et de sa dignité qui peut être perdue par ses aidants professionnels, par son tuteur, par les décideurs, par la société elle-même.
Cette inconscience qui retire toute valeur à la personne et la transforme en objet, ou en dossier, sous le prétexte de son silence est à l’origine des pires maltraitances psychologiques, celles qui nient la dignité de la personne assistée.
Prendre conscience de l’humanité de la personne assistée et du caractère indispensable à la vie de l’aide et de l’accompagnement apportés valorise l’équipe d’aide et de soin. Dans l’expérience d’ALMA, les «sensibilisations» aux responsabilités de tous qu’implique cette mission vitale et à la bientraitance sont un moyen puissant pour cette prise de conscience auprès des équipes. Encore faut il aussi toucher ceux qui décident des formations et des moyens. Encore faut il éviter les prétendues « formations » qui culpabilisent et démotivent. Présenter la mission si humaine de ces établissements comme une série de normes aveugles à suivre sous peine de mesures répressives est un moyen très sur d’obtenir une maltraitance généralisée. Donner du sens par une réflexion sur chaque geste accompli pour le bien être de la personne requerrant une assistance valorise aidant et aidé.
Cette prise de conscience est aussi possible hors du domaine médico –social. Certaines banques ou caisses disposent de procédures spécifiques pour les personnes en situation de handicap ou sous tutelle.
A l’inverse la conscience de la faiblesse de la personne va la faire choisir comme victime par certains professionnels de la délinquance, mais aussi dans la vie sociale quotidienne par nombre de « Mr Toutlemonde » dépourvus de scrupules et de déontologie professionnelle, Dans ces deux cas seule la peur du gendarme est préventive.
3 ) L’IGNORANCE DES BONNES REPONSES
Quand l’aidant naturel, le professionnel, la structure, les pouvoirs, la société ne savent pas ce qu’il faut apporter comme réponse aux besoins de la personne devenue dépendante de l’assistance d’autrui, il ne peut exister de bientraitance.
Le personnel de l’établissement a-t-il été formé à l’accueil des populations si différentes que sont les personnes atteintes de déficits cognitifs, dans leurs différentes formes et leurs différents stades, les personnes ayant des séquelles d’AVC, celles dont le syndrome extra pyramidal échappe au traitement, ou les très grands vieillards confinés au fauteuil ? Pour apporter la bonne réponse est il formé à ces soins, aides, et accompagnements. Est il informé sur le bon geste, qui peut différer pour chaque cas ?
Le personnel hospitalier soignant et médical non spécialisé (seuls 15 % des services d’urgence disposeraient de lits « aigus » d’aval avec une compétence gériatrique) voit il devant tout malade âgé dépendant ou « fragile » autre chose qu’un « bed –blocker « devant lequel ils ne savent que faire ?
Qui est responsable de cette ignorance ? Les directions qui n’ont pas su exiger les formations appropriées ? Certains organismes de formation, qui n’offrent que des contenus livresques et routiniers ? L’absence d’encadrement spécifiquement préparé ? Dans l’EHPAD (nursing home) ou existe un directeur préparé, un cadre infirmier spécialisé en gériatrie, un médecin coordonnateur gériatre, le risque de maltraitance s’effondre.
Ebranler ce pilier devrait être le plus facile. Il est du devoir de tous les conseils d’administration des établissements et services d’aide et/ou soins à domicile publics, associatifs ou lucratifs, « au service » de ces personnes qui dépendent d’eux, de garantir que tous leurs personnels ont bénéficié des formations adaptées et des informations nécessaires. Toutes les catégories de personnel sont concernées et pas seulement le personnel « de base ». Si encadrement, direction, médecins ne sont pas formés au soin, à l’assistance et à l’accompagnement de ces personnes on ne fera que mettre les équipes en difficulté. Les équipes doivent pouvoir trouver sur place un recours quotidien dans un encadrement compétent sur le soin, l’aide et l’accompagnement de ces personnes dépendantes et malades plus que sur la gestion. L’encadrement doit être capable d’identifier les carences, de rectifier les pratiques.
L’ignorance devient elle « coupable » quand l’ignorance est telle que on n’arrive même pas à identifier ce que l’on a sous les yeux ? (Platon)
La formation professionnelle initiale et continue à la prise en soin, à l’assistance et à l’accompagnement des situations de dépendance d’autrui est la meilleure garantie de « bientraitance » à condition de concerner la totalité des équipes.
On ne saurait se limiter au seul domaine médico –social, celui qui est le plus sensible à cette question et celui qui a le plus évolué sur ce sujet. Mondes de la santé, du social, de l’artisanat, du commerce, du transport, de la finance, de l’administration, de la sécurité, de la Justice, etc sont aussi confrontés à la relation avec la personne dépendante d’autrui ou aux capacités décisionnelles limitées. Des formations sur cette relation et cette responsabilité commencent heureusement à voir le jour dans tous ces domaines, immense chantier.
4 ) LE SILENCE
Le silence est un élément clé retrouvé dans toutes les études sur la maltraitance et dans tout les pays. Vaincre le tabou est un slogan de certaines études internationales. Ce silence s’explique à tous les niveaux et tout y conduit.
La victime, souvent ne peut pas s’exprimer à cause de ses déficiences. Si elle peut parler, elle ne peut avoir accès à une écoute utile. Sous emprise, elle ne sait à qui s’adresser. Honteuse de ce qui lui arrive ou effrayée du risque de représailles (et avec raison), elle ne veut pas parler.
Le témoin ne sait pas forcément reconnaître la maltraitance, en particulier la négligence. Membre de la famille, il craindra de lui porter tort. Professionnel il craindra de porter atteinte au secret professionnel. La mauvaise figure du « délateur », le conflit de loyauté avec son employeur, les représailles du ou des auteurs et collègues, les sanctions de sa hiérarchie le feront reculer. Il ne sait où s’adresser en toute confiance sans s’exposer.
L’auteur, quand il n’est pas malintentionné, veut cacher ses difficultés. Il a honte ou il est culpabilisé. Membre de la famille ou professionnel, il ne sait pas où expliquer ses questionnements, alors que de simples conseils éviteraient ou feraient disparaître la maltraitance.
Offrir une voie d’écoute compétente dans la confidentialité et l’indépendance permet de rompre le silence. C’est le rôle des centres d’écoute (helplines) associatifs. Celui qui n’oserait jamais se confier à un service officiel pourra parler, se confier, recevoir les conseils utiles à la résolution de la situation. Si un signalement doit être fait à un service officiel, son nom n’aura pas à se voir exposé. La France dispose d’un numéro d’appel national (39 77) et d’un réseau de centres d’écoute de proximité couvrant 80 % du territoire. Encore faudrait il qu’ils soient connus des appelants.
- L’ISOLEMENT
- Dès qu’il existe un regard extérieur, le risque de maltraitance décroît fortement.
- La victime est souvent isolée. Le vieillard vivant seul au domicile attire une délinquance spécifique. Pour celui qui vit seul et a besoin d’aide, l’emprise de celui qui aide, membre de la famille ou professionnel, n’a pas de témoin et peut ne plus avoir de limites. Le couple âgé confiné au domicile n’est guère mieux loti.
A l’hôpital, celui qui ne peut s’exprimer ne peut faire connaître ses volontés. Volonté et intérêts de la famille peuvent différer des siens.
- Les institutions fermées sans regard extérieur sont à haut risque de maltraitance. L’absence de contact, de référence externe favorise les routines maltraitantes et la perte de sens. Les auto –évaluations ne peuvent remplacer le regard externe, aussi bien celui du stagiaire candide, choqué par ce qui lui semble intolérable que celui de l’expert en la matière.
Sans regard externe, la tendance de toute structure est de vivre pour elle-même et non pour la mission pour laquelle elle a été créée. La tentation est grande de cacher les difficultés. De la petite maison de retraite familiale au CCAS d’une grande ville, de l’hôpital local à la grande chaîne ou au Conseil Général, le slogan « Surtout pas de vagues » est un leitmotiv. Il est même développé et conseillé dans l’étonnant guide de la FHF sur le sujet.
« Il n’y a pas de maltraitances chez nous », traduit d’abord une volonté d’isolement et de se mettre à l’abri de tout regard. La maltraitance étant dans la nature humaine, la nier signifie que les situations de maltraitance ne sont ni « traitées », ni prévenues.
Casser l’isolement n’est pas facile. Au domicile, il faut faire accepter l’aide, il faut que ceux qui viennent au domicile soient préparés à déceler la maltraitance : assistantes sociales de l’APA et des CLIC, aides à domicile, infirmières, médecins généralistes, mais aussi porteurs de repas, aide ménagère ou facteur.
En établissement c’est un rôle des conseils de la vie sociale, des associations de famille. La coopération ouverte pour l’amélioration d’une situation rapporte plus de bien être aux résidants et aux équipes que d’un coté une revendication stérile et de l’autre une attitude défensive hargneuse.
Les centres d’écoute associatifs offrent une possibilité d’interface neutre et constructive entre la détresse de la victime ou du témoin et l’autorité responsable qui peut ainsi agir au lieu d’hésiter entre nier et punir. Formations continues, colloques, comparaisons des pratiques, tout ce qui ouvre un travailleur isolé, une équipe, une structure, une administration sur l’extérieur joue un rôle de prévention.
LE FACTEUR HUMAIN :
Le caractère et la préparation ou non de chaque proche ou de chaque intervenant peut potentialiser ou atténuer chacun des risques précédents.
FACTEURS HUMAINS NON INTENTIONNELS
Sans le vouloir, ou se voyant bientraitant, l’intervenant va aggraver le risque de maltraitances
- Culpabilisation
C’est le douloureux sentiment des aidants familiaux qui s’accusent de ne pas faire assez, de ne pas savoir faire. Il peut inciter au maternage, à la surprotection, au refus d’aide («se faire aider, c’est indigne »), au refus du répit, au confinement, puis à l’épuisement ou à la dépression réactionnelle.
Conseils, information, éducation de l’aidant familial comme on fait une éducation du patient sont d’indispensables compléments au soin, à l’assistance et à l’accompagnement de la personne aidée.
La culpabilisation des professionnels existe aussi. La conscience de l’insuffisance de son action, de son isolement, de ses échecs (la personne assistée est une malade incurable qui finira par mourir), la mauvaise image de marque de « travailler pour des vieux » peuvent tarauder le professionnel.
Les sensibilisations sur le caractère indispensable de leur métier, sur les compétences multiples demandées, sur le respect de la dignité des personnes aidées et de ceux qui les aident peuvent inverser la situation, valoriser leur rôle, améliorer les conditions de travail.
- Epuisement
Il accompagne souvent le sentiment de culpabilité. L’aidant familial consacre tout son temps, son énergie et ses ressources à l’assistance de son proche, négligeant sa propre santé. L’épuisement de l’aidant peut conduire à la situation de «crise» où l’aidant le plus fusionnel avec son conjoint ou son parent aidé peut ne plus le supporter, renonce, ne peut plus faire, avec pour résultat fréquent une catastrophique hospitalisation en urgence du proche aidé. L’outil RESAM des services d’aide UNA, outil sur le risque de maltraitance, est aussi une bonne description du risque d’épuisement et de situation de « crise ».
Faire accepter aides et répits, faire prendre le temps de s’occuper de soi, informer et éduquer l’aidant sur les besoins de son parent dépendant, comme on éduque le patient valide sur sa maladie, sont des préventions efficaces.
L’épuisement peut aussi gagner des équipes professionnelles, surtout si elles ne sont pas formées à leur mission, ne trouvent pas de réponses dans leur encadrement soignant, médical et directorial, et /ou si les effectifs sont insuffisants. Démotivation, absentéisme et négligences en sont les conséquences immédiates.
La sensibilisation des équipes doit commencer par celle de l’encadrement et de la direction. Elle ne supprime pas la nécessité de mise à niveau des effectifs par l’apport d’un personnel entraîné à sa mission, si le sous - effectif est une des raisons de l’épuisement de l’équipe.
- Routine
« On a toujours fait comme ça » « Moi je connais la Personne –Z- Agée ». Ces paroles péremptoires donnent une certitude de maltraitance, en dépit souvent d’une bonne volonté évidente. C’est une négation de la personnalisation nécessaire de tout accompagnement.
Sensibilisation à la bientraitance, prise de conscience de l’individualité de chacun, réflexion sur ses pratiques, ses actes –ou sur son inaction, permettent de casser les routines maltraitantes et de valoriser le métier de chacun.
- Abus de précaution
La surprotection de celui qui, anxieux veut protéger la personne assistée peut devenir maltraitante : maternage, infantilisation, perte des capacités restantes peuvent en résulter. Encore une fois sensibilisation des professionnels, éducation et déculpabilisation des aidants familiaux sont les meilleurs outils de prévention.
Mais il est de plus en plus d’abus de précautions qui visent moins à protéger la personne assistée que l’intervenant, l’équipe ou la structure contre une éventuelle plainte ou contre un regard de la Justice. Ces abus, telles les contentions abusives, sont en fait des maltraitances intentionnelles.
Faire ressortir aux équipes que en cas d’accident c’est celui qui a privé une personne de liberté qui est condamnable et non celle qui l’a laissé libre, arrive à limiter les dangereux et arbitraires confinements au lit ou au fauteuil..
- Bêtise
La bêtise peut frapper tous les métiers et tous les niveaux de la hiérarchie. La bêtise est le facteur sur lequel il est le plus difficile d’agir. Nous ne pouvons décrire les vastes interférences de ses multiples facettes avec la maltraitance. Voici juste quelques exemples.
Incapacité de voir
Il y a celui qui dispose de tous les éléments et ne peut ou ne veut voir la violence la plus évidente. Si il y parvient, en lui « ouvrant les yeux », son comportement peut s’inverser.
Mesquinerie
C’est celle de celui qui ne peut admettre que l’on dépense pour le bien-être de personnes ayant une espérance de vie ou un confort de vie (ce n’est pas la qualité de vie) affaiblis. Il peut même s’agir d’intellectuels ou de professionnels brillants, curieusement, plutôt de ceux qui sont proches de la retraite que des jeunes.
Orgueil
Une étrange vanité chez certains fait juger qu’avoir besoin de l’aide d’autrui rendrait « indigne ». Ils refusent aides et répits malgré les conséquences pour leur parent à assister. Ce faux - sens qui ne voit dans la dignité que l’apparence et non l’humanité peut devenir source de drames. Etre aidé par autrui n’est jamais indigne. Le père devenu dépendant préfèrera toujours que ce soit des mains professionnelles qui lui lavent les fesses plutôt que sa fille.
Faire accepter que devenir dépendant n’altère pas la dignité de la personne n’est pas une mince affaire auprès de ces personnes
FACTEURS INTENTIONNELS
Quand la conscience de la faiblesse d’autrui devient un appât pour certains – une minorité – le risque d’abus et violence est élevé. Ces abuseurs ne sont généralement pas des gros bras qui abusent de leur force. Ce sont plutôt des faibles qui ont trouvé plus faible qu’eux pour exercer sur ces victimes un des deux (ou les deux) principaux moteurs ou perversions de l’humanité que sont la cupidité et la volonté de puissance.
- Cupidité
La cupidité peut exposer toute personne lucide à devenir victime d’escroqueries mirobolantes et d’abus financiers en dehors de tout « état de faiblesse ». La victime lucide peut avoir une part de responsabilité, appâtée par un gain trop facile.
Mais surtout existe un adage commun à toutes les langues : « L’occasion fait le larron. ». La faiblesse de la victime attire tous ceux que l’odeur de l’argent stimule.
Il peut s’agir de délinquants de profession. Cette délinquance est spécifique du grand âge : criminalité « astucieuse » visant les vieillards isolés, « saucissoneurs » des campagnes, dame de compagnie (ou monsieur) présentant bien, distinguée et aimable, qui s’évapore quand comptes et biens ont disparu. Dans tous ces cas la sévérité des lois sanctionnant l’abus de faiblesse est la bienvenue. Mais nul ne peut interdire à une vieille personne dramatiquement isolée de « s’acheter de l’affection ».
Plus fréquentes encore sont les petites ou grosses tricheries de petits abuseurs au quotidien : travaux inutiles, factures gonflées, prestations raccourcies ou non faites.
La sanction, justifiée, est difficile à mettre en route par la justice lente et coûteuse. Le recours à la direction de la concurrence et aux instances déontologiques sont plus efficaces. Les centres d’écoute associatifs peuvent être des relais efficaces par leurs conseils.
Mais quand c’est la famille qui détourne la pension, exerce un chantage, vend le logement, etc, que faire ? Si on pousse un peu l’analyse des violences physiques ou psychologiques intra familiales, il est bien rare qu’on ne trouve pas une question d’argent à l’origine. Mais selon la loi, il n’y a pas de vol à l’intérieur des familles. De plus, la victime ne veut pas voir son fils condamné, ni même en être séparée. Prise de conscience et médiation peuvent réussir ou échouer.
- Revanche
Devenir dépendant peut aboutir à une inversion des rôles : le dominé devient dominant. Ce peut être l’occasion de vigoureux règlements de compte – parfois inconscients. Entre conjoints ou entre enfants et parents.
Il faudrait connaître le passé avant de juger
- Perversions
Toute perversion s’exerce aux dépens des plus faibles que soi.
Prise de pouvoir
Prendre le pouvoir sur plus faible que soi est un plaisir pour celui qui n’a jamais pu exercer autrement sa maladive volonté de puissance de façon positive. L’intrus qui prend le pouvoir sur une personne, un couple, une famille n’est pas qu’une invention des romanciers et dramaturges. C’est un personnage bien concret du quotidien. C’est un harceleur narcissique qui s’introduit, se voit protecteur, détourne tout à son profit, s’oppose à tout ce qui est contraire à son intérêt et prive la personne de liberté.
La prise de pouvoir peut être parfois exercée par un professionnel au domicile qui désormais va décider de tout, parfois en se voyant « bientraitant ».
En institution, elle peut aussi concerner un professionnel isolé, ou une « meute ». Tout est décidé à la place de la personne devenue l’objet du pouvoir, plus que le sujet des aides et soins.
Lorsqu’il s’agit d’un pervers isolé qui bat en cachette, c’est le reste de l’équipe qui va le déceler et souvent le piéger en flagrant délit. Si c’est un groupe qui maltraite en meute, traiter cet « abcès » sera plus difficile, mais est indispensable. Mais par facilité, sanctionner est très difficile dans le secteur public. On ne licencie pas : on envoie maltraiter ailleurs, là où la patientèle est encor plus en état de faiblesse. Par exemple, l’hôpital mute dans son EHPAD !
Abus sexuels
Gérontophilie
Cette curieuse perversion sexuelle n’est pas à ignorer. Le gérontophile va s’attaquer aux femmes ne pouvant se défendre, ni donner des explications cohérentes : les malades Alzheimer sont ses proies préférées. Il peut sévir au domicile ou en institution
Handicapés
Les personnes jeunes en situation de handicap mental ou de handicap psychique sont fréquemment victimes de viols, pas toujours décelés, rarement déclarés, très rarement condamnés. Les agressions peuvent venir d’une personne extérieure, d’un autre handicapé, mais aussi d’un professionnel ou de la famille….Quelle prévention tant que le silence perdure ?
Conclusion
Il y a toujours eu et il y aura toujours des maltraitances. Penser autrement est faire de l’angélisme. Les causes sont si universelles qu’il peut paraître vain de vouloir les éviter. Mais si on regarde ces « piliers » de la maltraitance, on voit que pour chacun de ces facteurs une prévention est possible. Qu’il s’agisse de prévention des dépendances indues, de prise de conscience, de formation aux bonnes pratiques, de rupture du silence et de l’isolement, et même pour certains facteurs humains, prévention et « traitement » de la maltraitance sont accessibles. Il existe des voies efficaces. Ce ne sont pas des voies judiciaires dans une vaste majorité des cas. Le mot « maltraitance » ne correspond pas à un délit défini. Ce sont les voies de la formation, de l’information, de la prise de conscience, de l’éthique professionnelle, des voies valorisantes et motivantes
Par contre existe un noyau de maltraitances intentionnelles basées sur l’appât du gain ou du pouvoir ou une perversion qui relèvent de toute la sévérité de la loi sur l’abus de faiblesse. Cette sévérité n’est pas assez connue.
Entre les deux la difficile question : à partir de quel niveau une négligence devient elle « coupable » ?
Nulle maltraitance n’est un « accident » inévitable. Toutes peuvent être combattues.
1) ALMA (allo maltraitance) BP 1525 Grenoble Cedex
2 ) UGA , Hôpital Ambroise Paré 92200 Boulogne sur seine