SYMPOSIUM “ LE DEUIL EN INSTITUTION ”
9è Congrès interrégional de Gérontologie
Vendredi 25 Octobre 2002 - Centre de Congrès de Caen.
L’apport de la spiritualité en situation critique !
Chacun l’aura compris, dans l’organisation de ce symposium, le moment critique est celui où l’on sent le moment venu de fermer les yeux, pour toujours…Mais dans quelle situation ? Il s’agit de celle où la conscience est restée claire, malgré un grand âge, malgré les atteintes de l’âge
Bien sûr, quand on a réussi à passer les étapes du temps, jour après jour, et nuit après nuit, avant de fermer les yeux, pour d’autres songes, nous avons déjà vécu d’innombrables moments critiques, mais avec une grande différence, celle d’une espérance, celle de vivre une autre vie, le lendemain.
Témoignage
“ Je suis une personne dite "âgée", appelée encore comme telle, pourtant au seuil de ma vie. “ L’heure est venue ”, et j’imagine à présent que les choses vont être différentes ; la nuit sera longue... Mais, je suis sereine car je crois à cette autre espérance, celle de vivre dans une autre dimension où je retrouverai tous ceux que j’aie aimés. Ce merveilleux sentiment, qui adoucit le fait de quitter ce monde étrange, je le dois à une foi inébranlable que je veux garder dans l’ultime instant.
Je revois le passé de toute une vie qui, dès mon enfance, s’est nourrie de spiritualité, sans en être rassasiée, encore aujourd’hui. Mon “ être ” a grandi avec “ elle ” et je la porte en moi, précieusement, pour vivre avec les autres. Grâce à “ elle ” j’apaise mes tensions, je rayonne auprès de mon entourage. Il me semble même que durant mon grand âge, ce besoin a encore grandi en me renforçant jour après jour ; comment l’expliquer ?
À présent que je suis devenue “ vieille ”, titre que je porte avec humilité, par la chance d’avoir bénéficié d’une si longue vie, j’ai peur de perdre, en ces derniers instants, le sentiment d’être restée sur une voie juste, “ parce que la vieillesse est le total d'une vie et que chacun de nos actes, la moindre pensée, se retrouve dans le résultat ”.
Depuis mon jeune âge, plus profondément que je ne l’aurais imaginée, la spiritualité a fait intervenir ma raison. Parce “ qu’ elle ” n'est pas neutre comme un outil, j’ai compris qu’elle m’a nourrie et transformée, en devenant partie intégrante de mon être même. Et pourtant, j’en porte le témoignage, je n’avais jamais voulu m’ouvrir à “ elle ” comme un simple moyen d'être vraiment libre dans mes contradictions, et éventuellement plus heureuse. En acceptant de la vivre, d’abord dans la naïveté, au début de mon éducation, j’ai peu à peu compris que grâce à “ elle ” j’ai pu vivre cette liberté vraie par la compréhension de ses causes réelles, et c’est ce bonheur accru que je veux ressentir jusqu’à mon dernier souffle. Ceci, afin de dire encore : merci à la vie et à l’humanité, pour m’avoir donné des raisons de croire à un idéal, “ pour vivre des moments d’éternité, pour l’éternité ”.
J’écris ces lignes d’une modeste place, dans une maison de retraite, où je me sens bien car on m’a préservé l’essentiel : un toit et un entourage sûrs, des possibilités de rencontre pour me faire des amis, et un lieu de recueillement de manière à vivre, individuellement ou collectivement, ma spiritualité, en toute liberté. Mieux encore, mon confident spirituel peut venir me voir en toute indépendance, et dans la joie d’être bien accueilli par l’institution qui m’héberge. Mais que seraient toutes ces possibilités offertes si je n’avais pas autour de moi le sentiment d’une grande tolérance, voire même un encouragement à vivre sans complexe ma spiritualité. Je suis reconnaissante pour l’apaisement que j’en tire, me laissant ainsi présager une fin de vie raisonnée. Cela a d’autant plus d’importance pour moi que“ la façon dont notre vie se termine est la seule preuve qui indique comment on a vécu ”.
Je veux fermer les yeux, au seuil du moment critique, avec un visage éclairé par l’espérance ; cette espérance avec laquelle j’ai lutté, voire combattu, pour que ma vie ait mérité son sens. J’aimerais tant le faire comprendre à mon entourage immédiat, et à mes proches, pour les rassurer de me voir finir de vieillir, et préparer doucement, sans bruit, mon éloignement. Je prie pour qu’on n’abîme pas ce sentiment, qu’on respecte mes aspirations et mon parcours avec lequel je me suis construite patiemment.
Je pense aussi à tous ceux et toutes celles qui, dans les maisons de retraite, n’ont pas les mêmes conditions ou les mêmes possibilités, alors qu’ils ont le même regard et le même besoin de spiritualité ; “ cette culture d’esprit qui rend content de la vie et de ses derniers instants de beauté ”.
“ NE PLEUREZ PAS SUR LA CAGE DONT LES OISEAUX SONT PARTIS… ”
Nota : Ce texte, écrit est le fruit d’une discussion avec une vingtaine de personnes âgées très impliquées, depuis de nombreuses années, dans un groupe de réflexion (“atelier Sérénité”) touchant à la philosophie en général.